Ils sont nombreux, ces mineurs qui ont abandonné l’école pour le concassage de gravier pendant que les enfants de leur âge sont sur les bancs de l’école. Ils passent les journées sous le soleil marteau en mains. Reportage
En cette matinée de décembre 2019, l’air frais de l’harmattan balaye les visages. Le soleil est déjà haut au quartier Gassi dans le 7ème arrondissement. A quelques encablures des locaux d’une entreprise de construction et à un jet de pierre de l’Assemblée nationale, on aperçoit des sacs remplis des graviers exposés. Sous un arbre, des enfants âgés d’à peine 14 ans, marteaux en main tapent sur des gravillons pour les transformer en petits cailloux.
Vêtu d’un T-shirt noir, Moussa Abdoulaye observe ses coéquipiers qui travaillent. « Ici c’est le groupe Alwassat de gravier », informe-t-il faisant allusion au parti politique dont l’affiche surplombe les lieux. Juste à côté de ce groupe, une autre équipe échange avec Abdoulaye, potentiel acheteur. « Nous avons trois sacs de gravier, veux-tu les prendre ?», lui lance Mahamat Issa, 15 ans environ, engoncé dans un boubou rougi par la poussière de gravier. « Notre papa travaille à Cgcoc (Ndlr : L’entreprise de construction dont les locaux se trouvent non loin), c’est de là-bas qu’il nous apporte des blocs que nous transformons en gravier », raconte Mahamat Issa. « Nous cassons ces gravillons avec les marteaux, nous le vendons à 1500 francs Cfa, le sac de ciment », explique Hassan, 12 ans.
Selon lui, les clients revendent à leur tour le sac à 2 000 francs Cfa. C’est un travail que ces enfants préfèrent au détriment de l’école. « Nous utilisons cet argent pour acheter les habits, aller au ciné-club pour suivre les matchs de football », raconte Brahim marteau à la main.
Certains enfants reconnaissent qu’ils font ce travail à l’insu de leurs parents. Embauchés par des personnes plus âgées, ils sont payés à la tâche. Hassan a quitté l’école en classe de CM2, il y a de cela 3 ans pour cette activité. Il travaille en duo avec Jacques. Mais souvent, les choses ne se passent pas comme il se doit. Son compère Jacques complète, « Nous travaillons ici en duo, mais le véritable problème, ce sont nos maitres, ils nous refusent de l’eau, à manger. Une fois nous déposés le gravillon, ils nous abandonnent. Or si quelqu’un finit son travail sans toutefois déposer le gravier au bord de la voie bitumée, son argent est confisqué automatiquement », rapporte un enfant. Malgré les maltraitances, ils indiquent préférer le concassage à l’école qui ne les arrange pas.
Nguelsou Balgamma