Les arrestations du ministre d’Etat, ministre secrétaire général de la présidence (Sgp) Kalzeubé Pahimi Deubet et du secrétaire général de la Ctddh, Mahamat Nour Ibédou pour meurtre et complicité de meurtre et la journée de prière et de concorde nationale sont les sujets commentés par les médias tchadiens.
« L’heure des comptes », s’exclame Le Pays qui rappelle que le ministre d’Etat, ministre secrétaire général de la présidence (Sgp) Kalzeubé Pahimi Deubet n’est pas le premier secrétaire général de la présidence à « subir l’humiliante épreuve du passage par la case prison. Avant lui, Mahamat Saleh Annadif et Haroun Kabadi ont eu droit aux délices de Amsinéné. Un rituel qui vise à faire croire à une volonté d’assainir la gestion des finances publiques sans y parvenir même sous serment confessionnel. Au-delà de son aspect judiciaire, l’affaire Kalzeubé renforce chez les cadres, le sentiment que quel que soit votre loyauté envers Idriss Déby, rien ne garantit que vous ne serez pas humiliés un jour », martèle-t-il !
« Chasse aux prévaricateurs », note La Voix qui rapporte qu’au sein de l’administration, la panique règne en présentant à sa Une les images du ministre des infrastructures, Abdéramane Mouctar Mahamat, son homologue de l’économie et du plan Issa Doubragne et le directeur de l’office national pour la promotion de l’emploi (Onape) Fayçal Hassan Hissein. « Après l’arrestation de l’ex mairesse de la ville de N’Djaména, du directeur de l’Onape et du secrétaire général de la présidence et autres, c’est la peur au sein des cadres de l’administration publique, en service ou pas, qui trainent des cadavres bien putréfiés dans leurs placards », ajoute-t-il. « D’autres faits qui enfoncent Kalzeubé », relève Le Visionnaire qui précise les chefs d’accusation qui ont valu le placement sous mandat de dépôt de l’ancien premier ministre ne serait que la partie visible de l’iceberg. « Le secrétaire général à la présidence de la République, en complicité avec certains premiers responsables de la société nationale d’électricité (Sne) détournerait chaque semaine, une à deux citernes de gazole destiné à l’alimentation de la centrale de Farcha. Dans l’affaire l’ayant conduit en prison dont il lui est reproché la complicité d’escroquerie, de faux et usage de faux, l’abus de fonction et la tentative de détournement, il aurait dans un premier temps tenté de s’opposer au travail des enquêteurs de la police judiciaire, en exigeant la présence du président de la République avant toute audition », complète-t-il. «Quand il faut manger avec le diable, il faut utiliser une longue cuillère », conseille l’éditorialiste de L’Opinion qui dénonce la politique de deux poids deux mesures. « D’un côté, les Tchadiens non originaires de sa province sont trainés et humiliés. De l’autre côté, ses frères de ’’sang’’ sont protégés et ils sont au-dessus de la loi de la République », dénonce-t-il faisant allusion au chef de l’état.
Arrestation de Mahamat Nour Ibédou
« Affaire Ibédou, ’’une heureuse coïncidence’’ », lance N’Djaména Hebdo qui fait le lien entre le 34ème congrès de la conférence internationale des barreaux (Cib) et l’arrestation du secrétaire général de la convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme (Ctddh). « Les autorités tchadiennes ont choisi ce moment où tous les meilleurs avocats des barreaux francophones se trouvent à N’Djaména pour lancer la cabale contre un défenseur des droits humains », relève l’hebdomadaire qui rapporte les propos du président du barreau international, Me Dominique Tricaud que le choix du Tchad pour abriter le congrès de la Cib visait justement à soutenir la société civile tchadienne. « Nous avons été très impressionnés par le degré d’exigence des paroles et idéaux de justice du président de la République quand il ouvrait nos travaux. Mais voir en même temps un grand militant des droits de l’homme comme Ibédou devant un juge d’instruction, nous est incompréhensible. Il s’agit d’un grand décalage entre les paroles du chef de l’Etat et la justice qui ne s’y reconnait pas », ajoute-t-il. « Mahamat Nour Ibédou, prisonnier politique », affirme Le Pays qui rappelle que ce défenseur des droits humains était dans la ligne de mire du régime depuis des semaines. L’hebdomadaire est revenu sur les faits à lui reprochés par la justice. « Poursuivi le 3 décembre pour diffamation Mahamat Nour Ibédou a été placé en garde à vue. Le lendemain, c’est en fin de matinée qu’il est transféré au parquet où débarquent une dizaine d’avocats étrangers en renfort aux conseils du prévenu. L’arrivé d’autant d’avocats déstabilise le parquet qui ne s’y attendait pas. Après tergiversations, le procureur oriente le dossier au 7ème cabinet où le juge d’instruction constate des anomalies dans la procédure et renvoi le dossier au parquet qui est absent. En fin de journée, le deuxième substitut du procureur proroge la garde à vue qui s’achève en oubliant de mentionner le nom du prévenu. Malgré les protestations des avocats, Mahamat Nour Ibedou est reconduit à la police judiciaire », rapporte votre hebdomadaire. Mais le lendemain, l’impossible va se produire. « Le lendemain, retour au parquet où le défenseur des droits humains découvre qu’il n’est plus poursuivi pour diffamation mais pour meurtre et complicité de meurtre et sera placé sous mandat de dépôt. Un virage qui a fait bondir les avocats étrangers venus participer aux travaux du 34ème congrès de la Conférence internationale des barreaux (Cib). Malgré les cris d’orfraie et les vives protestations des partisans dans la cour du palais de justice, Mahamat Nour Ibedou est embarqué dans la fourgonnette de la police judiciaire pour la maison d’arrêt d’Amsinéné où il entame un nouveau parcours judiciaire. Un classique pour tout défenseur des droits humains en République du Tchad », ajoute-t-il. « Le Tchad fait le choix de la mauvaise publicité au 34ème congrès de la conférence internationale des barreaux », note L’Opinion qui constate que l’interpellation du Sg de la Ctddh et sa détention détonnent aussi bien par son timing que par sa nature.
Journée de prière et de la concorde
« Dieu et nous », titre l’éditorialiste de votre hebdomadaire qui rappelle que cela fait dix ans que les différentes confessions religieuses communient à chaque fin du mois de novembre pour invoquer la paix sans que cela ne traduise dans les faits. « La prière du 2 décembre dernier n’est rien d’autre qu’un bal d’hypocrisie qui n’a de religieux que les apparences. Au-delà des intercessions et du subtil rappel aux fondamentaux pour une société de justice et de paix par l’archevêque métropolitain de N’Djaména, l’essentiel de la cérémonie n’est rien d’autre qu’une opération de marketing politique dont le seul et véritable bénéficiaire reste Idriss Déby Itno », martèle Le Pays qui s’interroge : « le Tchad est-il en paix » ? « Pas sûr. Il vit et respire comme le dit le chef de l’Etat une absence de conflit ouvert. Et ce n’est pas la définition de la paix qui est caractérisée par le vivre ensemble et une vie harmonieuse basée sur le respect mutuel », conclut-il. D’après Le Pays, bien que 98% de Tchadiens se réclament des deux religions révélées, ils n’ont aucune capacité d’indignation face à l’injustice. « Sinon comment comprendre que dans un pays avec autant de croyants, plus personne ne croit en la justice ? Comment comprendre que dans un pays comme le nôtre, les affaires de détournement sont légions et utilisées de manière retords pour régler des problèmes politiques et non pour établir voire restaurer la justice ? ». « Bon Dieu sauve nous », renchérit La Voix qui remarque que lorsque l’implication de la politique dans la religion est fortement ancrée, cette dernière devient un instrument un service du pouvoir. « Au Tchad, selon que l’on soit fils d’un général, d’un ancien ministre, d’un ambassadeur, les dieux lui ouvrent facilement la portes du paradis, peu importe s’il est compétent ou non. Comme si cela ne suffisait pas, on peut s’arroger le permis exclusif de vous ôter la vie », regrette-t-il.
Stanyslas Asnan