La police a fait usage des grenades lacrymogènes pour disperser la marche de soutien et de solidarité aux citoyens de Sandana, dans le Moyen-Chari, qui ont perdu 12 des leurs le week-end dernier.
Ce mardi 15 février, à l’appel du comité de crise du massacre de Sandana, de nombreux N’Djaménois se sont donnés rendez-vous à l’Espace Fest-africa pour une marche pacifique dite de dignité et de la justice. Mais dès 5 heures, les éléments de la police ont élu domicile au point de départ, contraignant les marcheurs à se regrouper devant un restaurant-bar situé en face de l’espace.
Dès 7 heures, face aux marcheurs qui viennent en nombre, les responsables de la police intiment l’ordre de vider les lieux. Mais la foule décide de marcher. « Nous sommes en deuil et nous allons marcher les mains sur la tête pour exprimer notre mécontentement », lance un responsable qui invite le groupe à garder son calme. A peine quelques pas, la police a chargé la grenade lacrymogène pour disperser les marcheurs. Dans la foule, c’est la débandade. Certains trouvent refuge dans les concessions et d’autres dans les écoles.
L’air irrespirable et le crépitement des grenades lacrymogènes ont obligé les pensionnaires du centre Dakouna-Espoir à se déverser dans la rue. L’accalmie revient vers 8 heures mais pas pour longtemps. Pour les marcheurs, il est hors de question de s’arrêter là. Les esprits se chauffent et certains demandent s’il faut se défendre avec des cailloux. « Il est hors de question de leur donner l’occasion d’assouvir leurs sales desseins. Nous sommes pacifistes et nous ne sommes pas comme eux. Si nous ne pouvons pas suivre le trajet, allons au stade de Paris-Congo pour livrer notre message », lance un des leaders.
Aussitôt, la bande se remet en route. Elle sera encore dispersée une centaine de mètres plus loin par la police qui a tiré parfois à bout portant des grenades lacrymogènes sur les jeunes. Quelques manifestants seront touchés par des projectiles. Mais les marcheurs restent déterminés malgré tout.
Soudain apparait l’archevêque vêtu d’une soutane noire et du galero rouge. Monseigneur Edmond Djitangar, accompagné du secrétaire général de la Conférence épiscopale du Tchad (Cet) Abbé Xavier Kouldjim Omer ont retrouvé les marcheurs qui se sont repliés à un jet du domicile de l’ancien ministre feu Mbaïlaou Naïmbaye Lossimian. Mais là encore, la police va tirer sur les marcheurs malgré la présence des hommes de Dieu. Mouchoir mouillé dans une main et casquette dans une autre, le chef de l’Eglise catholique entouré de quelques jeunes va continuer son chemin sous les tirs des grenades lacrymogènes jusqu’au rond-point Aigle.
Là, il dira quelques mots avant que la police ne tire encore à nouveau sur lui. Atteint par un projectile au genoux, il sera conduit dans sa voiture par les jeunes. « Merci à tout le monde pour toutes les formes d’expression de sympathie et de solidarité et de prendre le temps pour prier pour le Tchad. Je vais bien. Pas de panique », a-t-il assuré au journal Le Pays.
Le président de l’Union pour la République et la démocratie (Urd), Romadoumngar Nialbé Félix qui participait à la marche estime pour sa part que « la transition est en train de prendre « un virage totalitaire ».
Stanyslas Asnan