Le Tchad à l’instar des autres pays de la planète, célèbre chaque année le mois d’octobre rose consacré à la lutte contre le cancer. Dans cette interview, Dr Manikassé Palouma, président de la ligue tchadienne contre le cancer (Ltcc) revient sur les difficultés et les défis pour une prise en charge efficace du cancer chez les femmes au Tchad.
Quel est l’état des lieux en matière de prise en charge du cancer chez les femmes au Tchad ?
La prévalence ou l’épidémiologie du cancer et particulièrement chez les femmes n’est pas encore connu au Tchad. Pour faire l’épidémiologie afin de disposer des statistiques sur la prévalence du cancer dans un pays ou une région, il faut une étude de longue durée. C’est le résultat de ces études qui peut montrer le niveau de prévalence du cancer. Au Tchad, fautes d’études spécifiques, le ministère de la santé a élaboré un registre de cancer. C’est sur la base dudit registre qu’on voit l’image du pays. Le registre de cancer donne les caractéristiques de prévalences épidémiologiques qui nous permettent d’afficher aux partenaires, gouvernement et d’autres pays. Pour me résumer, il n’existe pas de statistiques claires et fiables sur le cancer au Tchad. A titre indicatif, en 2018, sur 1670 cas dépistés par la ligue tchadienne contre le cancer, 457 cas suspects dont 166 du sein et 291 du col de l’utérus ont révélé.
Existe-t-il de plateaux techniques pour une prise en charge efficace ?
Malheureusement, il n’existe pas de plateaux techniques au Tchad. C’est avec un gros cœur que je réponds à cette question. Cela me fait extrêmement mal que notre pays n’en dispose pas. Les plateaux techniques ce sont des structures adéquates qui peuvent répondre aux critères de traitement d’un malade de cancer. A défaut, la ligue tchadienne de lutte contre le cancer dès sa création en 2018, s’était fixé comme objectif d’intensifier et d’étendre les actions de sensibilisation sur les facteurs de risque pour des préventions précoces. La ligue fait aussi du plaidoyer auprès des autorités et partenaires pour montrer que le cancer existe et que la maladie tue énormément des tchadiens. C’est ainsi que nous avons eu des contacts avec l’agence international de l’énergie atomique qui est prêt à aider le Tchad dans la lutte contre le cancer en finançant le plateau technique. J’espère que d’ici 1 ou 2 ans, ce plateau sera opérationnel.
Le coût est-il accessible à toutes les catégories sociales ?
Nous ne faisons pas seulement de la sensibilisation préventive, nous faisons aussi du dépistage précoce. Si le dépistage est précoce, nous pouvons à notre niveau traiter. Lorsque le diagnostic est posé de manière tardive, le traitement devient délicat. Si nous arrivons à dépister un cas positif, tout dépend de l’état du patient. Si le cancer est à son début on peut le traiter. Par contre si c’est dans un état déjà avancé, on est désarmé et obligé de référer le malade vers un pays voisin où ailleurs selon les possibilités de chaque patient. Un diagnostic précoce est possible pour un traitement précoce du cancer de sein par exemple grâce à la nanographie. Les gynécologues peuvent faire cette chirurgie précoce pour guérir les patients. Ceci étant, soigner un malade de cancer au Tchad nécessite beaucoup de moyens, notamment la chimiothérapie, la radiothérapie et beaucoup d’autres traitements palliatifs.
Quelle est la situation des ressources humaines ?
Nous avons une seule femme oncologue au Tchad pour l’instant. Lorsque le ministère a élaboré le projet de registre du cancer, il a pris en compte le volet ressources humaines. Le ministère de l’enseignement supérieur dispose déjà de bourses pour les médecins qui veulent faire la spécialité en cancérologie. Cette spécialité dure 4 ans, entre temps on aura des chimiothérapeute et des gynécologues spécialisés en chirurgie carcinologique. Le ministère fait d’efforts actuellement pour envoyer les gens à l’extérieur en prévision de l’ouverture du plateau technique.
Globalement, quelles sont les difficultés liées à la prise en charge du cancer chez la femme au Tchad ?
D’abord nous sommes absolument restreints par une attitude thérapeutique. Nous sommes limités dans la mesure où la plupart des cas de cancer sont découvert à un stade tardif. Dès lors, nous sommes désarmés parce que la phase tardive du cancer nécessite un plateau technique que nous n’avons pas. Ni la chimiothérapie, ni radiothérapie, moins encore les chirurgiens qualifiés, nous ne disposons pas. La difficulté de la prise en charge au Tchad actuellement dépend du state de la maladie du patient.
Qu’est ce qui reste à faire pour une prise en charge plus efficace ?
Pour aller vers une prise en charge efficace, premièrement il faut de dépistage précoce. A ce niveau on peut guérir les gens avec le peu de moyens que nous disposons. Alors que si le cas est avancé, on n’aura pas de moyens. Si une femme par auto palpation des seins se rend compte d’une masse particulière sur tissue mamelle, elle doit se présenter dans le centre le plus proche pour que le personnel de santé pose ou suspecte le diagnostic afin de faire une prise en charge rapide et efficace. Il n y a que cette démarche pour l’instant en attendant que le plateau technique ne soit disponible.
Propos recueillis par Bienvenu Daldigué