Tribune

La nouvelle Amérique de Trump et l’Afrique  

La nouvelle Amérique de Trump et l'Afrique   1

L’élection de Barack Obama à la Maison-Blanche en novembre 2008 et le retour de Donald Trump dans le bureau ovale ce 6 novembre 2024, constituent assurément les deux élections majeures de l’histoire de la présidentielle américaine. Jamais des élections présidentielles au pays de l’Oncle Sam n’ont été autant suivies dans le monde entier que ces deux séquences politiques.

Mais, si l’élection de Barack Obama est venue briser le signe indien qui considérait comme impossible l’accession d’un Afro-Américain à la présidence des États-Unis, le retour de Donald Trump, après un départ mouvementé et chaotique en 2020, s’inscrit dans un contexte où le monde n’a jamais eu autant le regard rivé sur les États-Unis et, naturellement, l’Afrique aussi.

Ouverture d’une boîte de pandore en Afrique subsaharienne

Le duel Trump-Harris, républicains contre démocrates, a été d’autant plus scruté en Afrique que le premier mandat de Donald Trump s’est déroulé sans incidents ou conséquences déstabilisantes pour le continent africain. D’autant plus qu’au-delà de l’Afrique, l’Amérique n’est entrée en guerre nulle part ailleurs dans le monde. Les souplesses commerciales de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) et les investissements des États-Unis dans la lutte contre le paludisme en Afrique, notamment à travers la recherche de pointe au Kenya, sont à mettre au crédit des présidences Clinton, Obama et Biden.

En revanche, l’Afrique porte encore, et pour très longtemps, l’intervention destructrice de l’OTAN en Libye en 2011 sous la présidence Obama, mise alors en musique par sa secrétaire d’État Hillary Clinton. Mais il ne s’est pas seulement agi de renverser Mouammar Kadhafi et de soutenir de prétendus révolutionnaires et démocrates libyens. Au-delà du chaos et au minimum de la paix factice dans lesquels la Libye est plongée depuis une ​dizaine d’années, c’est toute la zone sahélienne, voire l’Afrique de l’Ouest, qui subit de plein fouet les conséquences en chaîne de l’ouverture de cette boîte de Pandore qui est bien loin de se refermer.

En plus de la porte désormais grand ouverte aux mouvements terroristes et à la déstabilisation de certains États sahéliens qui se sont ensuivis, ce sont les investissements de ces États dans les chantiers du développement qui sont durablement compromis pour faire place aux dépenses militaires. Si, lors de son premier voyage en Afrique en 2009, Barack Obama a été applaudi par les peuples africains lorsque, au parlement ghanéen, il a plaidé pour une Afrique qui avait plus besoin « d’institutions fortes et non d’hommes forts », force est de constater qu’au terme des deux mandats de ce président américain, l’Afrique s’est trouvée bien plus affaiblie qu’elle ne l’était avant l’entrée de celui-ci à la Maison-Blanche.

Trump, l’Ukraine et l’Afrique

L’Afrique paie également un lourd tribut et subit les dégâts collatéraux dans la guerre en cours entre l’Ukraine et la Russie, même si elle n’est pas l’une des parties belligérantes. À la différence de Joe Biden et de ses alliés européens qui n’entrevoyaient de terme à cette guerre qu’avec, au minimum, un retrait de la Russie, voire une défaite, l’engagement de Donald Trump à contraindre Volodymyr Zelensky à s’asseoir autour d’une table de négociations avec Vladimir Poutine augure d’un dégel qui ne sera pas sans conséquences positives pour nombre d’États africains. La perturbation de l’approvisionnement en céréales de certains pays africains, en raison de ce conflit, a fait peser de graves dangers sur la sécurité alimentaire de leurs populations, avec comme corollaire des risques d’explosion sociale.

L’Afrique ne doit cependant pas se leurrer quant au non-interventionnisme de la politique étrangère de Trump durant son premier mandat. Si Donald Trump souhaite mettre un terme au conflit russo-ukrainien, c’est parce qu’il considère que c’est dans l’Indo-Pacifique, dont Taiwan est l’épicentre géostratégique, que les intérêts américains sont le plus menacés, précisément par la Chine. L’Empire du Milieu, aux yeux de Trump, fait peser de graves périls sur l’hégémonie américaine dans le monde. Il a d’ores et déjà annoncé les couleurs de cette guerre avec l’augmentation des droits de douane sur certaines marchandises chinoises.

Contenir la puissance chinoise, selon Trump, est une bataille géostratégique qui doit être menée à l’échelle planétaire. L’Afrique est l’une des principales pourvoyeuses de la Chine en matières premières, certaines stratégiques pour son expansion industrielle et technologique. Par conséquent, elle sera l’un des terrains de cette bataille, comme ce fut déjà le cas lors de sa première mandature. Et quelles formes prendra cette guerre commerciale à venir ? Difficile de le préciser dès à présent. Mais le tempérament fougueux de Trump laisse présager qu’il ne reculera devant rien pour affaiblir le dragon rouge en Afrique, avec les insoupçonnables dégâts collatéraux de cette confrontation.

L’un de ses slogans de campagne, « America First» («l’Amérique d’abord»), résume sa politique de gestion des flux migratoires qu’il annonce impitoyable pour les migrants illégaux aux États-Unis d’Amérique. S’il ne s’ag​it pas d’un simple slogan de campagne, mais d’une réelle détermination, l’Afrique, dont les migrants illégaux en terre américaine se comptent par centaines de milliers, pourrait connaître le plus grand mouvement de remigration de son histoire.

C’est donc entre ombres et lumières que se dessine, pour l’Afrique, le retour de Trump dans le bureau ovale de la Maison-Blanche.

Éric Topona Mocnga, journaliste au Programme francophone de la Deutsche Welle