Un vent de surprise souffle sur la scène diplomatique entre le Tchad et l’Inde. En effet, le Tchad a ordonné à son Ambassadrice en Inde, Mme Dillah Lucienne, de quitter New Delhi dans un délai de 72 heures. Cette décision a été formellement annoncée par une lettre émise le 3 octobre 2024 par le Ministère tchadien des Affaires Étrangères, signée de son Secrétaire Général, un geste brusque qui suscite des interrogations sur l’état des relations entre N’Djamena et New Delhi. Les détails de ce rappel restent flous, certains observateurs s’interrogent s’il y a une rupture diplomatique entre les deux pays ? ou une décision potentiellement motivée par une autre raison non élucidée ?
Dillah Lucienne, ambassadrice du Tchad à New Delhi a été nommée à ce poste il y a tout juste un an et rappelée par décret n°0216 du 05 août 2024 pendant qu’elle s’apprêtait à aller présenter ses lettres de créances en Afghanistan, Sri Lanka, Népal, Bangladesh et d’autres pays placés sous sa juridiction, les lettres d’accréditation pour l’Afghanistan et le Bangladesh avaient pourtant été signées par le Président de la République du Tchad, Mahamat Idriss Deby itno. Sa nomination symbolisait une volonté renouvelée du Tchad de renforcer ses relations avec l’Inde, un partenaire en plein essor économique et influent sur la scène internationale. Une nomination qui s’inscrivait dans un mouvement stratégique visant à diversifier les partenaires diplomatiques et à renforcer la présence tchadienne dans les régions asiatiques, où l’Inde, avec sa puissance économique croissante et son engagement dans les affaires internationales, offrait une opportunité pour des partenariats bilatéraux prometteurs. Cependant, l’instruction soudaine de mettre fin à sa mission soulève des questions sur un possible revirement de politique.
Persona non grata dans un pays hôte ou simple rappel?
À ce jour, le Tchad n’a pas donné de détails officiels sur les motifs de cette décision de rappel, laissant la porte ouverte à toutes les spéculations. Un ambassadeur peut-il être déclaré persona non grata dans un pays hôte ? Faute administrative ou manque de culture diplomatique ? Certains diplomates et analystes évoquent, cependant, l’idée d’un « rappel préventif », destiné à préparer une nouvelle orientation diplomatique ou à répondre à des préoccupations internes au sein du Ministère des Affaires Étrangères. D’autres, en revanche, interprètent cet ultimatum de 72 heures comme un signal clair d’une crise latente dans les relations entre le Tchad et l’Inde.
L’Inde, il faut le rappeler, est la troisième puissance économique asiatique, et a une position stratégique en matière de politique étrangère en Afrique, en particulier dans le secteur énergétique et minier. De nombreux pays africains voient l’Inde comme un allié alternatif face aux pressions exercées par les puissances occidentales et la Chine. Le Tchad, riche en ressources naturelles, avait également entrepris des négociations en matière de coopération énergétique avec l’Inde. Une détérioration des relations pourrait entraîner des répercussions dans ces secteurs.
Un Contexte International en ébullition
Cette décision intervient dans un contexte mondial tendu où les relations entre pays africains et puissances étrangères sont en constante évolution. L’Afrique, de plus en plus courtisée par des acteurs comme l’Inde, la Chine, la Russie, et les États-Unis, voit certains pays réévaluer leurs partenariats. Ce réajustement s’accompagne parfois de tensions, notamment dans les relations diplomatiques où les intérêts économiques et stratégiques sont en jeu.
La montée de l’Inde en tant qu’acteur majeur en Afrique est motivée par des enjeux économiques et stratégiques, allant de l’exploration de nouvelles ressources naturelles à la recherche de partenariats commerciaux et militaires. Cependant, cette dynamique n’est pas sans obstacles. En raison de la compétition croissante pour l’influence sur le continent africain, les pays comme le Tchad se retrouvent souvent dans des situations où leurs relations bilatérales avec des puissances émergentes sont mises sous pression, avec des conséquences imprévisibles. Pour l’heure, il est difficile d’affirmer que cette décision représente une rupture définitive des relations diplomatiques. Il est possible que le Tchad cherche simplement à renégocier certains aspects de ses accords avec l’Inde ou à obtenir des concessions dans le cadre de futures coopérations économiques.
Toutefois, un éventuel refroidissement des relations pourrait avoir des répercussions notables. Le Tchad pourrait, par exemple, réorienter son approche diplomatique vers d’autres partenaires asiatiques ou renforcer ses liens avec des pays plus proches idéologiquement, limitant ainsi les opportunités pour l’Inde de renforcer son influence en Afrique centrale.
L’ordre donné à l’ambassadrice de quitter l’Inde soulève des interrogations sur la diplomatie tchadienne et la nature des relations bilatérales entre le Tchad et l’Inde. Que ce geste marque ou non le début d’une rupture, il reflète l’évolution des priorités politiques et économiques dans un contexte mondial complexe. Le Tchad, comme de nombreux pays africains, semble prendre conscience de son rôle dans cette compétition internationale, et pourrait redéfinir son approche en faveur d’un équilibre de pouvoirs, où les intérêts nationaux priment désormais sur les alliances traditionnelles.
La suite de cette affaire dépendra de la réponse des autorités indiennes et de la stratégie future de la diplomatie tchadienne.
Correspondance particulière